* Courrier des lecteurs * Emilie « On se sent bête de stresser pour donner un cours de yoga »

Salut Mathilde!
J’ai fait une formation de Hatha, une pour enfants, famille et bébé, et une pour femme enceinte. Et pourtant… je n’ose pas me lancer. Enfin si, j’ai donné 3 cours, dont un particulier et un pour enfants… J’ai adoré, mais ai toujours aussi peur. J’aime, je pratique, je lis yoga… mais j’ai peur d’être ridicule, d’avoir des blocages, de parler trop, trop peu, trop vite… Je viens d’arriver au Nicaragua et les gérants d’un studio me demandent de leur donner un cours la semaine prochaine, une occasion inespérée et une chance énorme… mais surtout la panique ! Si par hasard tu as des petits conseils pour me rassurer… et oui on se sent bête de stresser pour donner un cours de yoga, c’est un comble!
-Emilie

Hello Emilie,

Je comprends ta peur d’enseigner, et bravo de te l’avouer à toi-même !

Ça m’a pris quelques mois avant de me sentir en confiance face à un studio rempli d’élèves, aux regards braqués sur moi et qui plissaient parfois les yeux en se disant « eh merde, la prof a un sacré accent. » (du moins, c’est ce que je projetais comme interprétation…)

Pour ce cours que tu dois donner, tu le dis toi-même c’est « une occasion inespérée et une chance énorme », tu listes toutes les formations que tu as faites : bref, tu sais très bien te mettre la pression ! La mission du professeur – de yoga, ou de n’importe quelle autre discipline – est capitale : transmettre un savoir. Mais si on envisage les choses comme ça, le yoga semble subitement quelque chose de très sérieux.

Quelles sont tes raisons pour enseigner ? Qu’est-ce que tu cherches à transmettre ? Tu n’as pas à révolutionner la vie des élèves à chaque cours. Se dire que si les élèves sortent relaxés du cours, ou qu’ils sont intrigués par une posture, ou bien encore qu’ils ont oublié leurs tracas du quotidien, pendant quelques minutes, ça peut être une « mission » tout à fait acceptable. Parfois, certains élèves cherchent juste à avoir des courbatures, ça leur donne l’impression d’avoir « bien bossé ». De toute façon, on ne peut pas plaire à tout le monde en tant que prof. Toi même tu as sûrement tes profs, tes styles préférés : on ne peut pas être tout à la fois.

L’enseignement du yoga n’est pas une chose facile, il faut avoir une bonne pratique personnelle, savoir exprimer ce qu’on veut dire clairement et précisément, faire attention à tout le monde, s’adapter à chacun et en même temps parfois imposer quelque chose.

Mes conseils pour être un bon prof, ou même avant d’être un « bon prof » juste donner un « bon cours », ce serait de pratiquer le yoga régulièrement en tant qu’élève, et quand c’est le moment de donner un cours, préparer une séquence qui a du sens pour toi, et la répéter – pas pour l’apprendre par cÅ“ur (tu peux toujours apporter des notes en cours que tu gardes près de ton tapis) mais pour observer comment faire au mieux telle ou telle posture, et apprendre à le dire de façon explicite ; puis une fois en cours, s’appliquer les mêmes principes que quand on est élève : être présent, rester simple et ouvert. Pas besoin de caser 345 postures de yoga en un cours par exemple. Un autre bon truc : parler en souriant, ça aide !

Le prof de yoga est-il un être sage qui respire la confiance, qui irradie de lumière, et qui, d’un effleurement de la main, transforme la vie de ses élèves ? Non. Le prof de yoga a mal au cou, il a parfois les pieds qui collent à son tapis, il dit droite pour gauche, et confond supta baddha konasana et supta virasana. Ce n’est pas grave de se tromper, mais il faut essayer !

Bonne chance pour ton cours Emilie,

-Mathilde