Restons Zen, Alfredo Liverani
Quelle est la réponse du yoga en temps de crise ? Je ne vais pas vous sortir une réponse toute faite trouvée dans les textes, ce n’est pas mon genre. Et plutôt qu’une réflexion construite – j’ai remanié cet article de nombreuses fois, il était trop négatif – voilà quelques points que m’ont inspiré les événements de la semaine passée à Paris :
- Communauté de yogis. Quand il y a eu les attentats de Boston il y a un peu moins de deux ans, de nombreux studios de yoga ont offert des cours gratuits. C’était bon de se retrouver, au milieu de ma communauté. Bon, comme synonyme de rassurant, on ne se sentait pas seule. Ça ne protège de rien, je le sais bien, ça ne met pas à l’abri, mais on est ensemble pendant 90 minutes, à pratiquer quelque chose qui est censé « tirer vers le haut » le corps et l’esprit. To level up comme on dit en anglais.
- Rester positif. S’entourer de formules positives, ou de « mantra » me semble parfois dénué de sens profond, quand ça se confronte avec la dure réalité. Les belles images avec des paroles de sagesse me semblent parfois creuses, les profs qui distillent un peu trop de moraline dans leur cours : non merci. Je veux rester positive, je suis d’un naturel enthousiaste, mais non à la nunucherie.
- Le partage. Depuis la semaine dernière, j’ai suivi plusieurs cours, quelques profs ont parlé de ce qui s’est passé, dans des termes vagues qui ne m’ont pas vraiment parlé ; je sentais les gens pas très concernés, je ne peux pas leur en vouloir, tout se passait à plus de 5,500 km de là , ce n’est pas leur pays, personne ne connait Charlie Hebdo, il y a beaucoup d’amalgame.
Dans les cours de yoga que moi j’ai donnés cette semaine, j’ai d’abord évité le sujet. Même si je suis « la prof française », je ne me sentais pas à ma place de le faire, je n’avais pas les mots justes. Et puis hier midi, alors que je guidais la séquence, je me suis rendue compte à quel point ma playlist était super triste. En réalisant que c’était sûrement pas très fun pour les élèves, je leur ai dit, au milieu d’un Guerrier 2 : « Tough week in France, sorry for the gloomy music » (Dure semaine en France, désolée pour la musique d’enterrement). Ils ont tous réagi, ah ça oui, on est désolé, horrible. J’ai cassé leur cours de yoga, ils avaient l’air super concernés par ce que je venais de leur dire, je me suis vite reprise et on a continué le cours ; à la fin, certains sont venus discuter. Ça m’a fait chaud au coeur, j’ai ressenti leur empathie. - Egocentrique le yoga ? La question de vivre son yoga hors du tapis, hors du studio, est l’une des questions qui m’intéresse le plus. Comment ne pas faire du yoga une activité de privilégiée égocentrique, tournée juste vers son bien-être ? Comment faire que le yoga ait un sens réel, au-delà de l’aspect physique et de l’aspect spirituel ? Le yoga, ce n’est pas juste de la gym ou de la relaxation, car il y a une philosophie derrière la pratique, mais comment relier la philosophie à la vie de tous les jours ? Je cherche encore des réponses, je sais que je ne veux pas que ce soit creux. Le  livre de Judith Lasater sur ce sujet est précieux.
Ce matin, à la fin d’un cours que je donnais, une élève m’a dit qu’elle se sentait mieux, et que sa journée commençait bien après du yoga. C’est simple, peut-être pas grand chose, mais en tant que prof j’étais contente d’avoir servi à cette élève, et qu’elle ait partagé ses impressions.
Si vous avez pratiqué le yoga en cette semaine de chaos, qu’est-ce que vous y avez trouvé ? Est-ce que c’est important de pratiquer le yoga quand rien ne va, ou ça vous a semblé en décalage ou « bidon », ou alors est-ce que ça avait du sens pour vous ?
michaud
C’est dans ces moments là qu’il est encore plus important de pratiquer pour ne pas se laisser envahir. Depuis la semaine dernière, je ne commence pas ma journée sans avoir pratiqué ne serai-ce que 15 min de méditation. Recentrée, posée, ma journée peut commencer.
Bravo pour ce blog très agréable !
Mathilde
Merci pour ton message ! C’est très juste cette idée de se recentrer.
AliceQc
J’ai les yeux dans l’eau.
Tu viens de résumer ce que je ressens très fort en ce moment: qu’est ce qu’on fait maintenant concrètement pour transformer cette horreur en quelque chose qui fera évoluer la société? À quoi ça rime de rester sur nos tapis à faire des pranayama et à méditer sur la paix dans le monde? Je n’ai pas ces réponses.
Personnellement, je ne suis pas encore parvenue à re-dérouler mon tapis pour le moment ou à aller en cours. Je sais que ça reviendra, mais pas tout de suite.
Merci Mathilde, ça fait du bien de pas se sentir seule.
Mathilde
Hello Alice, contente que ça trouve un écho chez toi, même si c’est un écho triste.
Ne cédons pas pour autant à la mélancolie !
je t’embrasse,
Frenchyhealthyhappy
Merci pour ce poste Mathilde.
En plein dedans, je suis dans une île Thaïlande pour une retraite de Ashtanga Yoga de 30jours, donc évenements ou pas, je suis là pour pratiquer.
le premier jour suivant les évenements et les jours suivants je n’étais tellement pas concentrée et puis finalement j’ai décidé de commencer ma pratique avec une pensée consciente pour les victimes, leurs familles, pour la France et de leur offrir ma pratique finalement.
Et ça a vraiment aidé.
Ensuite, il y a ici des gens de toutes nationalités et notamment beaucoup d’européens se sont sentis concernés par les évenements et ça m’a fait du bien, je me suis sentie moins seule finalement.
Chris
Bonjour Mathilde,
Merci pour ce post qui raisonne très fort en moi.
Lors d’un cours la semaine dernière, avec ma prof, on s’est posé la question de quel peut être le rôle des yogis en cette période.
Alors, oui, il peut sembler inutile et égocentrique de pratiquer en une telle période. Mais voilà , si l’on veut apporter sa pierre à l’édifice et aider les autres, il faut commencer par soi. Soyons forts, soyons positifs. Cela me rappelle un peu la légende du colibri de Pierre Rabhi :
« Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! »
Et le colibri lui répondit :« Je le sais, mais je fais ma part. » »
Alors, voilà , chaque matin, je pratique avec dans l’idée d’essayer d’éteindre un peu l’incendie de ce monde. Et plus nous serons nombreux, plus nous aurons de chances de réussir.
Excellente journée !
Chris
Pauline - Bright Pause
Très jolie cette petite fable du colibri!
Eve-Anne / votreyoga
Etre positif, remonté à bloc, en forme 24h/24; 7jours/7. Ne jamais cédé à la colère, la tristesse … c’est impossible. Ca voudrait dire qu’on n’est pas humain. Je crois que d’accueillir notre tristesse, nos incompréhensions, nos doutes et questionnements sans les juger, c’est ça aussi l’ « esprit » du yoga. Utiliser sa pratique pour reconnaître et accepter ce qui nous envahit, que ce soit en positif et négatif…
Bien sûr que pour pratiquer, on est centré sur soi. Sinon ce ne serait pas du yoga. Quand certaines choses vont mal autour de nous, quand elles sont faites pour ébranler tout ce en quoi on croit, la meilleure réponse qu’on puisse faire n’est-elle pas justement en nous? Continuer simplement à faire ce qu’on aime, chacun sa petite part (pour revenir sur l’image du colibri)
Charlotte
J’ai beaucoup aimé lire ta réflexion sur ce sujet …
On a tous été marqués à notre façon et il y a eu beaucoup de réactions différentes face à ce drame. Je comprends complètement ton point de vue.
Pour ma part, il n’y a eu que ma pratique du yoga que je n’ai pas trouvée décalée ou futile pendant les jours qui ont suivi (alors que tout le reste me paraissait irréel voire indécent). J’ai continué à pratiquer le matin comme d’hab mais plus que jamais, le yoga a été mon ancre, et mon tapis un vrai refuge. J’ai vraiment été atteinte en plein coeur, le mercredi a été d’une violence inouïe, j’étais toute la journée seule à mon travail, à entendre les sirènes. Du coup je dédiais ma pratique aux victimes … Ce n’est rien du tout mais c’était ma façon à moi à la fois d’honorer ces personnes et d’assimiler ce qu’il s’était passé. Ma façon athée de prier.
Et le vendredi soir, j’ai été à un cours collectif, avec des copines. On avait bcp parlé sur Twitter pendant les événements, on était toutes fortement marquées, et ça a été un bonheur de partager ce moment avec elles. La prof a évoqué les événements en début de cours, nous proposant d’envoyer toute cette énergie positive qu’on allait créer aux victimes et à leurs proches, et ça m’a fait beaucoup de bien, ça m’a soulagée. Pourtant c’est vrai que ce n’est rien, je n’ai rien « fait » concrètement mais c’était déjà beaucoup pour moi. Être sur le tapis, revenir à des sensations et des émotions positives, c’était essentiel pour me reconnecter à la réalité et effacer ce « monde de merde » gravé dans mon cerveau !
Bref c’est encore confus et frais pour moi mais ce qui est sûr c’est que le simple fait de m’installer sur mon tapis a été d’un grand réconfort. Je ne dis pas qu’en toutes circonstances le yoga est une solution miracle, car ça ne l’est pas et je pense qu’il y aura des moments difficiles de la vie où le yoga ne m’apportera pas le réconfort attendu, mais en cette occasion je me suis sentie « connectée », aux autres yogis et aussi à quelque chose de meilleur que la noirceur qui venait de se répandre, quelque chose d’immuable et de solide.
antoine
Salut,
Le jour de l’attentat, je devais aller au yoga à côté de République à 18 h et finalement, j’ai préféré rester sur la place avec tous les gens qui se recueillaient, ça m’a fait du bien.
J’y suis allé le lendemain, puis le dimanche, la prof était très sobre et si on a échangé quelques mots avant, il n’en a pas été question pendant le cours. Mais je pense que tout le monde avait ça en tête.
En revanche, hier, j’y suis retourné avec une prof du même studio que je ne connaissais pas. Elle a fait un cours spécial non violence, très moralisateur et pour le coup ça m’a semblé déplacé. Au contraire, il me semble que j’aurais préféré de la retenue.
Ca doit être difficile pour toi d’être loin du pays et de vivre ça à l’étranger. Bon courage !
Laurence
Bonjour Mathilde
Le jour de l’attentat, je devais pratiquer chez moi et du coup en sortant du travail je suis allée directement au rassemblement qui avait lieu dans ma ville, je ne pouvais pas faire autrement, c’était là où je devais être à cet instant là et pas ailleurs…. puis j’ai pratiqué les matins suivants tranquillement chez moi et je suis allée à 2 cours de yoga avec des copines. Par contre ce qui m’a un peu dérangé, c’est que ce que j’attendais du prof de yoga n’a pas été du tout en phase avec ce que j’attendais, j’aurais aimé qu’il ait quelques paroles par rapport à cette terrible actualité dans laquelle nous étions happés. Il a au contraire évacué le sujet en disant en tout début de cours « nous allons laissé les sujets du dehors à l’extérieur de la salle » (enfin quelque chose comme ça). Enfin les ressentis étant différents selon chaque personne, c’était « son » ressenti et il n’avait pas envie d’en parler. alors que pour ma part pour « évacuer » j’ai besoin de parler….. Voilou voilou bizzzz de France – Laurence
Mathilde
Salut !
Je suis avec assiduité ton blog, et c’est la première fois que je laisse un commentaire; comme muée par le besoin urgent de partager mon expérience minime des derniers jours.
Je suis chaque jour le chouette 30 days of yoga d’Adriene (http://yogawithadriene.com/blog/). Et pendant cette semaine cauchemardesque, j’ai continué. J’ai même pratiqué un peu plus, plus assidûment, plus consciemment. Je déroule mon tapis tous les jours, mais il y avait là une résonance particulière. Comme si je mesurais enfin à quel point c’était un moment privilégié. Comme si le refuge n’était pas en moi, mais dans le simple fait de dérouler mon tapis.
Des mercis pour ce bel article, je vais de ce pas relire l’article sur le livre de Judith Lasater.
Des bisous à tous !
Thierry
Bonjour Mathilde.
Faire du Yoga quand rien ne va c’est bidon ? Ma réponse est clairement non ce n’est pas bidon bien au contraire. Le Yoga apporte au corps et à l’esprit. Je considère cette pratique comme un trésor et en plus elle permet les rencontres. Lorsque tout va mal il faut se raccrocher à de l’énergie positive. C’est pour moi ce qu’est le Yoga de l’énergie positive.
Mathilde
La question était provocante, mais je pense que la réponse n’est pas aussi évidente pour tout le monde. Oui, le yoga a beaucoup de bienfaits, mais parfois ça peut sembler creux, égocentrique… Bon, bref, je ne vais pas reformuler tout mon article 😉
Corine Charrier
Mathilde, vous avez une tres bonne influence sur ma vie en ce moment. J’adore le yoga et j’ai fait vos 10 minutes d’etirement ce matin (video yoga avec vous et Patricia). MERCI BEAUCOUP aussi pour votre blog tres sympa sur toutes vos visites des USA. Keep up the wonderful job!
Mathilde
Merci Corinne pour ton gentil message ! Bon yoga !!
Elodie
Merci pour cet article Mathilde.
Lorsque j’arrive sur mon tapi, le matin ou parfois dans la journée, c’est un moment où je fais le point avec moi-même, sans jugement mais avec lucidité.
Des fois ça va, et des fois ça va pas. Inutile de dire que pendant les attentats ça n’allait pas du tout. Mais faire du yoga dans ces moments là , c’est prendre conscience de ses émotions et leurs conséquences physiques.
Egocentrique ? Pas complètement. Je suis maman et ma pratique du yoga m’a permis de comprendre et d’accepter ce qui se passait en moi. Une prise de recul qui m’a permis du coup d’expliquer à mes enfants et d’être en mesure d’accueillir leurs propres ressentis. Pas bidon donc.
Et comme je suis photographe, voici ce que j’ai pris cette semaine là : https://www.flickr.com/photos/96967288@N04/15621942874/in/set-72157650346979442
Et bravo pour ce blog très sympa Mathilde.
Yoginisk8
Coucou Mathilde 🙂
D’abord j’adore ton blog, c’est une source d’inspiration, et une méditation rien qu’à lui seul !
Ensuite, je suis tellement d’accord sur le fait que le yoga c’est le moment où l’on se recentre sur soi même, même juste 15 minutes. Après ça repart, on est tendu, et pleine d’énergie…. ce qui profite aux autres ! Alors égocentrique … pas tellement que ça 😉
Bisous
DorienYoga
Quand je ne me sens pas bien, ma première idée c’est souvent de ne pas faire du yoga ce jour. De ne rien faire et de laisser la journée passer sans trop faire. Mais c’est juste après avoir fait du yoga que je me sens beaucoup mieux. ça me permet de me ressourcer, de prendre un peu de recul et de mettre les choses dans la bonne perspective. Sans exeption, je me sens toujours plus énergétique et positive.
Murielle
Nous sommes comme une cellule reliée les unes aux autres dans un grand ensemble mouvant et évoluant constamment. Que nous le voulions ou pas, nous sommes influencés/touchés directement ou indirectement par ce qui se passe autour de nous.
À chaque fois que je pratique, ce temps que j’utilise ‘égoïstement’ à intégrer plus de patience, et croyez-moi, j’en ai bien besoin, hé bien, j’espère qu’il resurgira dans mes interactions avec les autres . Je commence par moi, je sais quand me voyan, plus calme , celà en interpellera bien d’autres .
Merci pour ton partage et à bientôt !
Emilie - My Happy Yoga
Faire du yoga quand ça va pas, je trouve que c’est plus que nécessaire. Sauf qu’il ne suffit pas de le dire. Perso, je n’y arrive pas. Quand ça va pas, je n’arrive pas à me concentrer, à me recentrer, justement. Je sais que c’est pourtant ce qu’il faudrait faire, mais je n’y suis pas encore arrivée. Ma réponse est tardive car je suis partie en voyage le jour où tu as publié cet article. J’ai été, comme tout le monde, bouleversée par ce qui est arrivé. Ce jour-là et le jour suivant, je devais remplacer ma prof pour la toute première fois. C’était une belle opportunité pour moi et, heureusement, j’avais préparé mes cours longtemps à l’avance. Le jour J, j’ai hésité à venir, je ne m’en sentais pas la force. Mais par respect pour ma prof qui comptait sur moi, et pour ses élèves, j’y suis allée. J’ai eu beaucoup de mal à me mettre dedans. A la fin du cours, après le pranayama, j’ai souhaité improvisé une petite méditation sur la bienveillance. Bienveillance à soi, et aux autres. J’ai juste ajouté « dans ces circonstances particulières ». J’étais un peu émue. Je ne sais pas si j’ai bien fait de le faire. Enfin bon, c’était mon premier vrai cours officiel, j’ai laissé parler mon coeur!
Laurent
Merci pour ce billet très intéressant ! Pour moi, pratiquer le yoga a toujours du sens, que ce soit en situation de crise ou pas. Il n’y a pas de « bonne saison » pour le bien-être. Effectivement, le yoga peut sembler un peu égocentrique (pas plus que toutes les autres disciplines à mon sens !), mais n’est-ce pas essentiel de d’abord être bien en soi, pour ensuite pouvoir être plus disponible avec les autres ?
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